Œuvre du mois d'octobre 2016 - Vénus

La Vénus de Carthage

 

Exposition dans le cadre

d'Octobre Rose

 

 

      Le corps féminin nu est un des classiques de l'histoire de l'art. Pourtant, au fil des civilisations, ce motif a souvent changé de sens.

     Symbole de la fécondité, de l'amour ou de l'érotisme, le nu féminin n'est pas un sujet neutre.

 

   Dans le cadre d'Octobre Rose, le musée Boucher-de-Perthes a dédié son œuvre du mois au corps de la femme autour d'un accrochage réunissant des œuvres rarement exposées au public.

 

   Vous trouverez ci-dessous le compte rendu de la conférence donnée à cette occasion par Agathe Jagerschmidt, directrice du musée Boucher-de-Perthes, le jeudi 06 octobre 2016.

 

Ci-contre :

Vénus, marbre, 1ère moitié du IIIe s. ap. J.-C. découverte en 1853 à Carthage (Tunisie) / photo Musée Boucher-de-Perthes

 

Téléchargez le livret du musée


 

 

       La directrice du Musée, dont le dynamisme est à souligner, engage le musée de toutes les façons possibles dans la vie de la ville. Bien loin de se limiter à une participation aux événements culturels, elle s'implique avec son équipe dans tous les aspects de la vie citoyenne.

      Persuadée de l'importance des actions de prévention contre le cancer du sein, Agathe Jagerschmidt ne s'est pas contentée d'inscrire une conférence sur la représentation du corps féminin dans le cycle "œuvre du mois". Des œuvres du musée ont illustré la campagne de prévention contre le cancer du sein dans les lieux publics et les différents pôles de santé de la ville. Un travail d'équipe remarquable dont rendent compte les photos ci-dessous extraites de la page Facebook du musée.

 


Persée et Andromède de François Lemoyne dans le hall de l'hôpital d'Abbeville.

Porcie femme de Brutus par Claude Mellan au centre de sénologie.

Chloé, une étude de Jules Lefebvre pour un grand tableau aujourd'hui exposé à Melbourne, au centre de radiologie.

La baigneuse par François Lemoyne au service de radiologie de l'hôpital.

Une Vénus capitoline gravée par Claude Mellan dans le hall d'honneur de la mairie

Vénus tenant la pomme gravée par Claude Mellan dans le hall du musée.


Première partie : Le corps fécond et nourricier.

   

         Agathe Jagerschmidt retrace l'histoire du nu féminin dans l'art occidental depuis les origines en choisissant autant que possible ses exemples dans les collections du musée, ce n'est pas toujours possible évidemment.

        Des représentations féminines apparaissent dès la préhistoire. Les statuettes retrouvées sur différents sites présentent en général des formes excessivement marquées comme dans l'exemple choisi ci-dessous.

Vénus de Willendorf / Wikipedia/ MatthiasKabel
Vénus de Willendorf / Wikipedia/ MatthiasKabel

La Vénus de Willendorf,

 

     Statuette en calcaire datée du paléolithique supérieur, vers 24 000–22 000 av. J.-C. Haute de 11 cm, c'est l'exemple type des premières représentations connues.

       Il s'agit incontestablement d'une femme, debout, nue, aux seins, ventre et cuisses très volumineux, soulignant les attributs de la maternité et de la nourrice. Par contraste, les bras et les pieds apparaissent sous dimensionnés.

    La tête, à la chevelure soigneusement ciselée, est penchée vers le corps comme si la "Vénus" était elle-même concentrée sur ses attributs féminins. Aucun trait ne marque le visage, il n'y a pas de recherche de ressemblance avec une femme en particulier. C'est un archétype de femme.

 Ceci nous évoque des significations symboliques invérifiables : s'agissait-il de la statue d'une déesse mère destinée à un culte, d'un ex-voto propitiatoire pour garantir la fécondité donc la survie du groupe, de la représentation d'un idéal féminin paléolithique... ?

 


Déesses antiques associées à l'idée de fertilité,

       Dans l'antiquité grecque et romaine, Flore ou Cérès, qui favorisent la croissance de la végétation, sont représentées très souvent le sein nu. Parfois un drapé mouillé révèle de façon suggestive leurs formes féminines.

 

      Le musée d'Abbeville conserve une riche collection de gravures du XVIIe siècle qui représentent des statues antiques. Parmi celles-ci Flore, à gauche, gravée en 1670 d'après une statue des Tuileries par Claude Mellan, le plus célèbre des graveurs abbevillois (1598 - 1688).

 

   Ici à droite, Femme inconnue en Cérès, déesse des moissons, marbre, œuvre romaine, vers 235 - 250 après J.-C. (source Wikipédia, origine inconnue)
 



Le nu au Moyen Age et au début de la Renaissance

 

       A l'époque médiévale les représentations de corps nus sont très rares dans le contexte de la civilisation chrétienne.

        La Bible affirmant que Dieu veut que les humains cachent leur corps, ceux-ci sont généralement très couverts.

   

       On trouve cependant des représentations d'Adam et Eve, nus dans le jardin d’Éden, comme par exemple ci-contre dans l'arrière-plan du Puy d'Abbeville, la Vierge au jardin clos.

      La nudité est alors symbole de la pureté originelle, de l'innocence, c'est l'état naturel de l'homme avant la consommation du péché.

 On lit dans la Genèse (3:6-21), qu'après avoir mangé le fruit de l'arbre de la connaissance, "leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus. [...]

[Après les avoir maudit pour avoir mangé le fruit...] le Seigneur Dieu fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit.»

  (Remarque : le sexe d'Eve a été masqué postérieurement à la réalisation du tableau daté de 1558).

 

     Une autre exception s'observe dans les scènes du jugement dernier, elles laissent parfois entrevoir quelques rares corps féminins nus. Voir en exemple, en suivant ce lien, le Tryptique du Jugement dernier de Memling

 

      Dans ce contexte il est étonnant de trouver à partir du XIVe siècle, des représentations de Vierges allaitantes au sein dénudé.

        C'est que le culte marial qui se développe à cette époque insiste sur le rôle maternel de Marie.

     Ci-contre :

La Vierge et l'Enfant, d'après Carrache, par Jean Lenfant, graveur abbevillois, vers 1650, gravure conservée au Musée d'Abbeville.

La Vierge allaitant l'Enfant, vers 1450, par Bartolomeo Vivarini (Venise 1430-1491?), Musée du Louvre.

La Vierge allaitant l'Enfant, XVIe, statue d'Alejo de Vaha, Musée du Louvre.

 

 

Petite parenthèse extra européenne,  à propos de cette scène intemporelle et si familière, une petite plaquette de terre cuite moulée, représentant une femme allaitant son enfant, a été retrouvée à Tello (ancienne Girsu, Mésopotamie, Irak aujourd'hui). Elle date de la fin du IIIe millénaire.

Louvre, département des antiquités orientales.

 

 

 




Deuxième partie : Le nu divin, allégorique ou historique.

 

       L'antiquité grecque et romaine nous a laissé un grand nombre de statues de femmes plus ou moins dévêtues.

     Certaines représentent l'innocence, la pureté, ainsi Arthémis (Diane) et ses compagnes. Elles protègent leur pudeur de vierges farouches et inaccessibles en vivant de nuit ou cachées dans les bois.

     Une gravure de Mellan conservée au musée représente Diane (titre donné par le graveur). Il s'agit en réalité d'une amazone. Ces guerrières étaient généralement représentées comme Diane, le sein nu et le vêtement court mais, étant des guerrières, elles arboraient, en plus de l'arc, un bouclier nommé pelta bien visible ici contre la jambe gauche.

    Une autre gravure de Claude Mellan, conservée au Louvre, représente vraiment Diane, d'après la statue antique visible aujourd'hui dans la salle des Caryatides au Louvre.

Diane, gravure de Claude Mellan, (Abbeville, 1598 - Paris 1688), Musée Boucher-de-Perthes

Diane d'après la statue exposée alors aux Jardins des Tuileries, gravure de Claude Mellan (Abbeville, 1598 - Paris 1688)

 

Arthémis dite Diane de Versailles, marbre, copie romaine du IIe siècle d'après Léocharès, sculpteur grec du IVe siècle avt JC.


 

Hors religion ou allégorie, point de corps nus !

 

       C'est en s'inspirant de ces statues, que les artistes, à partir de la Renaissance, vont représenter les corps féminins dévêtus.

       En France, à partir du XVIIe siècle, des règles académiques imposent aux artistes de justifier par un prétexte culturel leurs figures nues. D'autre part, les formes de leur personnage doivent être idéalisées pour bien souligner qu'il ne s'agit pas d'une femme dans la réalité de sa chair mais d'une déesse ou d'une héroïne. Très souvent les attributs féminins sont en partie dissimulés par un objet stratégiquement placé, pan de voile, branchage....

 

Les tableaux de François Lemoyne (Paris 1688 - Paris 1737), conservés au musée Boucher-de-Perthes, sont de beaux exemples de nus respectant les préceptes traditionnels de la "grande peinture".

 

            La conférencière souligne dans ce florilège d'histoires allégoriques ou mythologiques une gamme de justifications différentes :

  • Hercule est dominé par Omphale, l'amazone guerrière, personnage mythologique traditionnellement légèrement vêtue pour lui donner plus d'aisance au combat. Ici, c'est surtout une séductrice utilisant ses charmes pour dominer son amant.
  • Le Temps emporte la Vérité "toute nue" selon l'expression encore en usage, allégorie de la pureté, de l'innocence.
  • Dans  Persée et Andromède, la nudité de la jeune femme souligne la fragilité d'une victime à la merci d'un monstre.
  • Quant à Diane au bain, ou La Baigneuse, il s'agirait d'un personnage de la mythologie classique. Pourtant le peintre ne prend pas la peine de justifier ce prétexte, aucun des attributs de Diane n'est visible sur le tableau, Agathe Jagerschmidt y voit la première baigneuse de l'histoire de l'art peinte pour elle-même.
    Si cette baigneuse échappe au contexte mythologique ce n'est pas une femme vraiment réelle, nous voyons plutôt une jeune fille au corps idéalisé, lisse, froid, restant dans les standards picturaux de l'époque, de façon à ne pas choquer les spectateurs.

 

    Notons que dans les pays du Nord de l'Europe, même s'il est toujours peint dans un contexte mythologique ou religieux, le traitement du corps est plus réaliste.

      A gauche Ixion, roi des Lapithes, trompé par Junon qu'il voulait séduire, peint en 1615 par Pier-Paul Rubens, à droite Bethsabée au bain tenant la lettre de David par Rembrandt en 1654.

 

 


 

Une tradition académique qui se perpétue jusqu'au XXe siècle

Jules Joseph Lefebvre - Chloé, huile sur toile, 1872 / https://commons.wikimedia.org
Jules Joseph Lefebvre - Chloé, huile sur toile, 1872 / https://commons.wikimedia.org

 

     De cette veine académique, dont les modèles abondent en France au XIXe siècle, le  musée d'Abbeville présente un exemple discret mais intéressant : la petite Étude pour le tableau Chloé, 1875, photo de gauche.

 

       Le peintre, Jules Joseph Lefebvre, (Tournan-en-Brie  1834 - Paris 1912), était lauréat du prix de Rome, membre de l'Académie des beaux-arts de Paris, professeur à l'école des beaux arts...

 

       L'histoire de Daphnis et Chloé, est contée dans un roman grec daté du IIe ou IIIe siècle et a beaucoup inspiré les artistes depuis cette antique origine. Chloé est le parangon de la jeune fille pure et innocente, amoureuse du jeune Daphnis, non moins ignorant des choses de l'amour. Dans le tableau, l'héroïne pose nue avec naturel et décontraction sur fond de paysage bucolique.

     Mme Jagerschmidt nous fait remarquer les différences entre l'étude, plus proche du modèle, et la représentation définitive plus raide et impersonnelle.

  

        Le destin du grand tableau (photo ci-contre, 2.60 x 1.39m) réalisé d'après cette esquisse est assez étonnant. Il obtint un grand succès au Salon de 1875. Souvent exposé, il figura à l'exposition internationale de Melbourne en 1880. Un galeriste l'acquit pour agrémenter sa vitrine. Cela provoqua un scandale et la toile dut être retirée de la vue du public.

    Chloé, revendue à des hôteliers en 1908, trône désormais dans le bar du Young and Jacksons hôtel à Melbourne. Elle devint l'égérie de très nombreux soldats australiens pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale. Elle est connue pour cette raison comme "l'icône de Melbourne".

 

 

 

Lefebvre Jules, Lady Godiva, 1890 / Amiens, Musée de Picardie
Lefebvre Jules, Lady Godiva, 1890 / Amiens, Musée de Picardie

    Jules Lefebvre est également l'auteur du monumental tableau (6,20x3,90m) Lady Godiva (photo ci-dessus) qui nous  avait été présenté par Sabine Cazenave, directrice des musées d'Amiens lors d'une de nos visites au musée de Picardie.

    Les parents de Jules Lefebvre s'installèrent à Amiens en 1836. C'est pour remercier la ville d'Amiens de lui avoir alloué les subsides nécessaires à ses études qu'il offrit le tableau.

    

      Selon une légende médiévale anglaise, Lady Godiva aurait traversé la ville de Coventry à cheval entièrement nue pour obtenir de son époux qu'il allège les taxes dont il accablait ses sujets. Il avait promis de céder le jour où elle traverserait la ville dans le plus simple appareil. Elle le prit au mot...

En savoir plus sur la légende de Lady Godiva et le tableau d'Amiens, sur le site de la Tribune de l'art.

 




Troisième partie : le nu sensuel

 

La naissance de Vénus.

 

     La première représentation de Vénus nue serait l’œuvre de Praxitèle, sculpteur grec actif entre 370 et 330 av JC.

     Agathe Jagerschmidt nous raconte l'histoire de cette Vénus de Cnide, très souvent citée dans la littérature antique et qui a été maintes fois imitée par les sculpteurs grecs et romains.

     Praxitèle était considéré comme le plus grand sculpteur de son époque. C'est pourquoi les habitants de Cnide lui commandèrent une statue de Vénus pour l'offrir à la vénération des fidèles dans leur sanctuaire.

     L'artiste prit pour modèle sa maîtresse Phrynée, et réussit à façonner un corps si parfait qu'il devint pour longtemps "un canon du nu féminin alliant harmonie des proportions, douceur du modelé et délicatesse des traits du visage" (cartel de la statue ci-dessous à gauche, Louvre).

     Les commanditaires, médusés par cette audace inouïe, se décidèrent, non sans quelques réticences, à acquérir le chef-d’œuvre. Ils n'eurent pas à le regretter car elle fit rapidement la renommée de leur ville...


 

     Le succès et la célébrité de la "Vénus de Cnide" lui valurent de nombreuses reproductions et déclinaisons.

     Ci-dessus à gauche, un torse et deux têtes sont les copies les plus  anciennes conservés au Louvre de cette fameuse statue.

 

     Au centre, une gravure de Claude Mellan d'après ce type de Vénus : La "Vénus de Médicis", copie du Ier siècle conservée à la Galerie des Offices à Florence (photo de droite). Légèrement différente du modèle de Praxitèle, elle porte les mains devant ses seins et son sexe comme confuse d'être surprise au sortir du bain.

 

    Ci-contre à gauche, une autre copie datant du IIe siècle, la "Vénus du Capitole". Entièrement nu comme l'original, le modèle est "modifié par un traitement plus charnel des formes, une coiffure plus exubérante et donne au geste de pudeur de la déesse un caractère plus narratif" (cartel, Louvre). Elle est accompagnée d'un petit Cupidon qui semble lui signaler l'intrus.

 

 


1ère photo ci-dessus à gauche : Avant la création de la Vénus de Cnide qui consacre la nudité comme l'attribut spécifique de la déesse de l'amour, celle-ci était présentée vêtue comme beaucoup d'autres déesses. Le plus ancien des modèles célèbres est "Vénus génitrix", sculptée par l'Athénien Callimaque à la fin du Ve siècle av JC. Voir la fiche sur le site du Louvre.

2e photo : "Vénus d'Arles". La parenté de la statue avec l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle, dont elle serait le prélude, autorise à voir dans la Vénus d’Arles la copie d’une œuvre de ce même sculpteur, peut-être l’Aphrodite de Thespies, créée vers 360 av. J. C.. Voir la fiche sur le site du Louvre.

        3e photo : "Vénus en arme", marbre du IIe s, dérive de la même source.

4e photo : "Vénus Callipyge", une Vénus érotique qui se complaît à admirer ses jolies fesses au Musée archéologique national de Naples. Une Vénus callipyge est une statue de la déesse vénérée pour la perfection de ses fesses.

 

 

        Dans la très célèbre "Naissance de Vénus" de Sandro Boticelli, la jeune déesse est bien, 18 siècles plus tard, la digne descendante de cette auguste lignée.

 

       En complément sur notre sujet, visionnez  ci-contre un épisode de L'Art en question qui retrace en 15 mn environ la filiation et la postérité de la Vénus de Botticelli.

 

Pour un visionnage grand format,  vous rendre sur Youtube.

 

 

 


 

Vénus mascotte d'octobre rose, Musée d'Abbeville 2016

 

 

       La Vénus de Carthage, ainsi nommée parce qu'elle a été découverte dans la ruines de la ville, faisait partie des collections de Jacques Boucher de Perthes avant d'appartenir au fonds du musée d'Abbeville. Elle est datée du IIIe s.

        

         C'est une statuette en marbre à qui il manque bras et jambes. Complètement nue, elle dérive évidemment du type de la Vénus de Cnide.

         A l'arrière de l'épaule gauche il reste la trace d'un élément, sans doute un petit Cupidon comme on peut observer auprès de nombreuses autres déesses de l'amour.

         D'après les statues intactes, on peut imaginer que se trouvait un dauphin ou un tronc d'arbre contre la jambe gauche. Ces éléments accotés aux statues de marbre avaient surtout pour rôle d'étayer les statues dont les chevilles sont très fragiles par rapport à leur poids.

 

 

 

 

 



 

       Sous le parrainage incontestablement classique des Vénus antiques, peintres et sculpteurs ont pu s'autoriser à produire des nus  non dénués de sensualité, la mythologie ne manquant pas d'épisodes parfois très lestes... 

 

      Par exemple, les innombrables amours de Jupiter offraient un vaste choix.

     Ci-contre Jupiter et Antiope, dit aussi la Vénus du Pardo est un tableau peint par Le Titien, (Pieve di C 1490 - Venise 1576) vers 1551
Cette représentation semble illustrer l'histoire d'Antiope racontée par Ovide ... Lire la fiche sur le site du Louvre.

 

      Pour illustrer le glissement progressif vers le nu sensuel plus humain, Mme Jagerschmidt nous présente pour la fin du XVIe siècle un tableau de l'école de Fontainebleau "Gabrielle d'Estrées et sa soeur", voir la série sur Wikipedia.

Et pour la fin du XVIIIe s. une gravure de Dennel issue des collections du musée : Comparaison du bouton de rose.

 

       Au XIXe, la société était beaucoup plus corsetée mais, en art, nymphes et déesses académiques continuèrent à réjouir les amateurs. On vit dans les scènes orientales le moyen d'exprimer une nouvelle forme de sensualité fantasmée.

 


 

Où il est encore question de Phrynée

 

Photo Wikipedia / Jean-Léon Gérôme — auteur Popszes
Photo Wikipedia / Jean-Léon Gérôme — auteur Popszes

 

       Parmi tant d'exemples possibles de la tradition académique, Agathe Jagerschmidt choisit une toile de Jean-Léon Gérôme "Phryné devant l'Aréopage", 1861.

        La célèbre courtisane inspiratrice de Praxitèle a également inspiré Gérôme (Vesoul 1824 - Paris 1904). Il montre ici la comparution de Phrynée accusée d'introduire une divinité étrangère à Athènes. Son défenseur, sentant la cause perdue, aurait déchiré la tunique de Phryné, dévoilant aux juges la perfection faite femme. Sa plastique impeccable lui valut fut bien sûr d'être acquittée sur le champ...




Le nu réaliste

 

     Au XIXe siècle des artistes vont  peindre la femme toute son humanité et sa réalité.

 

    Édouard Manet (Paris 1832, Paris 1883) fut l'un des premiers à présenter des nus non académiques. Bien qu'inspirées des grands maîtres du passé, ses toiles le Déjeuner sur l'herbe  d'après le Concert champêtre du Titien (photos de gauche) ou Olympia composée comme la Vénus d'Urbino du Titien (à droite) subirent les foudres de l'opinion publique. Ce qui choqua très fortement le public, c'est le réalisme des corps de ses modèles, leur présence charnelle renforcée par le regard direct et impudique qu'elles osent porter sur le spectateur.

 

     Les artistes s'enhardissent à représenter la réalité contemporaine non idéalisée, et les corps d'après nature vont se multiplier même si la tradition académique reste très présente.

    Ainsi Fantin-Latour présente-t-il en 1901 une Toilette de Vénus" idéale pendant que Renoir multiplie les baigneuses bien terrestres. A droite, La Toilette, Pierre-Auguste Renoir, vers 1900.

 

     Dès l'aube du XXe siècle, ce sont de tout autres problématiques qui vont animer la création artistique. A l'évidence la notion de corps réaliste n'est pas une préoccupation prioritaire des artistes...

 


Toulouse-Lautrec, Femme qui tire son bas, 1894 / Musée d'Albi
Toulouse-Lautrec, Femme qui tire son bas, 1894 / Musée d'Albi
Picasso, Les demoiselles d'Avignon, 1907 / Museum of Modern Art, New York
Picasso, Les demoiselles d'Avignon, 1907 / Museum of Modern Art, New York
Bracque, Grand nu, 1908 / Centre Pompidou
Bracque, Grand nu, 1908 / Centre Pompidou
Duchamp, Grand nu descendant un escalier, 1912 /Philadelphia Museum of Art
Duchamp, Grand nu descendant un escalier, 1912 /Philadelphia Museum of Art

        De nos jours, le nu est banalisé et ne choque plus guère en art. Pourtant il fait encore réagir dans les photos publicitaires. Ainsi la campagne pour la prévention du cancer présente des femmes découvrant leur poitrine car cela reste un moyen sûr d'attirer l'attention sur cette bonne cause.

 

 

Ceci n'est pas une Vénus...

 

Magritte, La Folie des grandeurs, bronze, 1967 / Exposée au Centre Pompidou, 2016
Magritte, La Folie des grandeurs, bronze, 1967 / Exposée au Centre Pompidou, 2016
Magritte, La Folie des grandeurs, 1962 / Exposée au Centre Pompidou, 2016
Magritte, La Folie des grandeurs, 1962 / Exposée au Centre Pompidou, 2016

L'actualité culturelle nous donne l'occasion de conclure par un clin d’œil à notre Vénus.

 

René Magritte

La trahison des images, exposition au Centre Pompidou, septembre 2016 - janvier 2017.

 

     Dans la Folie des grandeurs Magritte se moque de la dictature des canons imaginés par les sculpteurs grecs comme normes intangibles de la beauté.

      Dans l’Évidence éternelle, il rappelle la légende selon laquelle Zeuxis, peintre grec du Ve s. av. JC., devant peindre la femme idéale, avait eu recours à cinq modèles différents, aucune femme n'ayant toutes les parties de son corps parfaites...

 

Magritte, L'évidence éternelle, 1948 / Centre Pompidou 2016
Magritte, L'évidence éternelle, 1948 / Centre Pompidou 2016


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