Œuvre du mois avril 2016 - John Brown par Paul Chenay

Paul Chenay (1818-1906), John Brown, Estampe d'après un dessin de Victor Hugo / © Musée Boucher-de-Perthes Abbeville
Paul Chenay (1818-1906), John Brown, Estampe d'après un dessin de Victor Hugo / © Musée Boucher-de-Perthes Abbeville
"J'ai dévoué ma vie au progrès, et le point de départ du progrès sur la terre, c'est l'inviolabilité de la vie humaine. "
 
Victor Hugo - 1863 (Au ministre de la République de Colombie)

John Brown, aquatinte,

d’après une œuvre de Victor Hugo

 par Paul Chenay (Lagnieu,1818 - Paris,1906)

Don de Henri Dupuich,1947

 

Conférence par Agathe Jagerschmidt

le 1er avril 2016

 

     Dans le cadre des Nuits du Blues.

 

    Agathe Jagerschmidt, conservatrice du musée, a proposé une conférence musicale autour d’une œuvre du musée : une gravure de Paul Chenay d’après Victor Hugo représentant John Brown, un abolitionniste américain, pendu pour avoir lutté contre l'esclavage.

 

      Les musiciens du groupe Talaho avaient carte blanche pour illustrer le propos. Les rythmes du blues ont accompagné et conclu la présentation de l’œuvre et des citations de Victor Hugo.


     Un livret d'accompagnement à la visite et un livret jeune public sont mis à disposition pendant la durée de l'accrochage. A télécharger ici.


Quelques photos de la soirée

Agathe Jagerschmidt présente le groupe Talaho qui a accompagné la conférence de ses rythmes et de ses chants / Photo JH
Agathe Jagerschmidt présente le groupe Talaho qui a accompagné la conférence de ses rythmes et de ses chants / Photo JH

Le groupe Talaho

 

Teddy Costa : chant  – harmonicas – guitare
Stéphane “Fingers” Barincourt : banjo – guitare
Jeremy Pagis : contrebasse.

Avec humour et talent, les trois musiciens ont animé la soirée de chants et d'anecdotes sur  l’histoire du blues et du jazz pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Agathe Jagerschmidt et le groupe Talaho / Photo JH
Agathe Jagerschmidt et le groupe Talaho / Photo JH
Une partie du public
Une partie du public


Le dessin de Victor Hugo

(Besançon, 1802 - Paris, 1885)

 

  Victor Hugo, immense écrivain, a aussi été l'un des plus grands dessinateurs de son époque. Son œuvre graphique comporte des caricatures, des souvenirs de voyages ou, comme ici, des dessins au service d'une cause politique.

 

Le combat de Victor Hugo contre la peine de mort.

 

      L'origine de l’œuvre remonte à la condamnation à mort d'un criminel avéré, John Charles Tapner, sur l’île de Guernesey, au moment où Victor Hugo est en exil à Jersey. Adversaire acharné de la peine de mort, il écrit une lettre aux habitants de Guernesey pour demander la grâce du condamné. Mais celui-ci est exécuté par pendaison le 10 février 1854.

      Hugo réalise alors quatre dessins représentant un pendu. L'un d'eux,  « Ecce Lex », conservé aujourd'hui à La Maison de Victor Hugo, ne le quitta jamais.

     Cinq ans plus tard, quand il apprend la condamnation de John Brown, Victor Hugo écrit au gouvernement des États-Unis  une lettre de soutien au condamné.

    Après l'exécution,  Hugo fait graver et diffuser le dessin du pendu avec l'inscription : Pro Christo sicut Christus (Pour le Christ, comme le Christ). Ce dessin devient l’emblème de son combat  contre la peine de mort.

       C'est son beau-frère, Paul Chenay, qui réalise la gravure selon la technique de l'aquatinte, elle est diffusée à partir de 1861. Les premières gravures sont interdites et détruites, c'est l'éditeur Dupuich qui en édite un second état.

  Victor Hugo 50,8 x 34,9 cm [1854] Plume et lavis d’encre brune sur crayon de graphite, encre noire, fusain sur papier vergé /Maisons de Victor Hugo, Paris / Guernesey
Victor Hugo 50,8 x 34,9 cm [1854] Plume et lavis d’encre brune sur crayon de graphite, encre noire, fusain sur papier vergé /Maisons de Victor Hugo, Paris / Guernesey

 

A lire, Hugo ... ses dessins sur le site de la Maison de Victor Hugo


 

Lire la lettre de Victor Hugo pour demander la grâce de Tapner en 1854.

 


 

Lire la lettre de Victor Hugo pour demander la grâce de John Brown en 1859.

 

Voir un extrait ci-dessous :


" Lorsqu’on réfléchit à ce que Brown, ce libérateur, ce combattant du Christ, a tenté, et quand on pense qu’il va mourir, et qu’il va mourir égorgé par la République Américaine, l’attentat prend les proportions de la nation qui le commet ; et quand on se dit que cette nation est une gloire du genre humain, que, comme la France, comme l’Angleterre, comme l’Allemagne, elle est un des organes de la civilisation, que souvent même elle dépasse l’Europe dans de certaines audaces sublimes du progrès, qu’elle est le sommet de tout un monde, qu’elle porte sur son front l’immense lumière libre, on affirme que John Brown ne mourra pas, car on recule épouvanté devant l’idée d’un si grand crime commis par un si grand peuple..."


Augustus Washington, John Brown vers 1846, Daguerréotype.
Augustus Washington, John Brown vers 1846, Daguerréotype.

 John Brown, un personnage controversé.

Mme Jagerschmidt raconte le destin de ce militant anti esclavage pendant que les musiciens jouent en sourdine.

 

    John Brown nait en 1800 à Torrington (Connecticut). Son père, fervent religieux calviniste, l'élève dans l'idée que l'esclavagisme est un acte contraire à la religion. Lui-même est témoin de scènes de violence envers des esclaves et s'en révolte.

     Marié deux fois et père de 20 enfants, il connait de graves problèmes économiques avec son entreprise de tannerie et décide d'aller s'installer en 1836 à Franklin Mills (Ohio).

      En 1837, son ami Elijah Lovejoy, un éditeur d'un journal abolitionniste, est assassiné. John Brown fait le serment de mettre fin par tous les moyens à l'esclavage. Malgré ses déboires financiers persistants, il continue obstinément sa lutte.


Les marines attaquant l'arsenal tenu par John Brown lors de son raid à Harper's Ferry, gravure publiée dans le Harper's Weekly en novembre 1859 / Wikipedia commons
Les marines attaquant l'arsenal tenu par John Brown lors de son raid à Harper's Ferry, gravure publiée dans le Harper's Weekly en novembre 1859 / Wikipedia commons
Thomas Hovenden, Les derniers moments de John Brown, c. 1882 / New York, Metropolitan museum
Thomas Hovenden, Les derniers moments de John Brown, c. 1882 / New York, Metropolitan museum

Le groupe Talaho nous a interprété la Chanson de John Brown, témoignage de la popularité posthume du personnage.

"John Brown partit faire la guerre en Virginie x2

Il dort au creux de la terre en Virginie,

mais son nom vivra toujours.

Glory glory hallelujah x3

son nom vivra toujours.

Là-bas l'homme noir mourait pour le coton x2.

John Brown voulut le tirer de sa prison

et leva mille tambours.

Glory glory hallelujah x3

son nom vivra toujours."

(texte de la chanson en français sur paroles.net)

(musique sur youtube)

 

Vous trouverez la biographie de J. Brown très détaillée sur le site du cercle des abolitionnistes.

  En 1849, John Brown s'installe dans une communauté noire près d'Elba (Etat de New-York). Ne pouvant faire progresser la cause anti-esclavagiste, il considère que seule la lutte armée permettra d'obtenir l'abolition de l'esclavage et qu'il est l'instrument de Dieu dans cette lutte.

     En 1855, John Brown s'engage avec ses fils dans la guerre civile qui a éclaté au Kansas entre propriétaires esclavagistes et partisans de l’abolition.

 

       Les épisodes les plus marquants de ce combat sont  :

   - "le massacre de Pottawatomie Creek", mai 1856. Suite à des exactions à Lawrence et au meurtre d'un sénateur abolitionniste par des esclavagistes, John Brown, avec quatre de ses fils et trois compagnons, enlève et tue cinq colons esclavagistes.

   - "le raid d'Harper Ferry" (Virginie), octobre 1859. A la tête d'un groupe de dix-huit hommes dont trois de ses fils, John Brown attaque l'arsenal fédéral de Harper's Ferry pour armer un soulèvement d'esclaves dans les États du sud. Ils parviennent à entrer dans l'arsenal. John Brown essaie alors de rallier les esclaves des environs mais aucun ne vient le rejoindre. C'est un échec.

    Le 17 octobre 1859, une compagnie commandée par le colonel Robert E Lee (futur général de l'armée sudiste) fait le siège de l'arsenal. John Brown,  blessé, est arrêté.

 

      Lors du procès, John Brown est accusé de haute trahison, d'incitation à l'insurrection et de meurtre. Le 2 décembre 1859 il est pendu.

 

     Par la dignité, l'éloquence et l'implacable engagement anti-esclavagiste dont il fait preuve au cours de son procès, il devient pour certains un véritable symbole de la lutte contre l'esclavage et rapidement un martyr.

     Pour d'autres, John Brown reste un personnage très controversé. Violent, maniaque, fou, "premier terroriste de l'histoire des USA" ? C'est ainsi que Abraham Lincoln, abolitionniste lui-même, déclare en décembre 1859 :

"John Brown a été exécuté pour trahison, nous ne pouvons nous élever contre cette décision bien qu'il ait partagé notre conviction sur l'esclavage. Cela ne peut excuser la violence, l'effusion de sang, et la trahison. Et le fait qu'il pensait avoir raison, ne l'excuse pas davantage".


Le blues

Esclaves et propriétaire dans un champ de coton
Esclaves et propriétaire dans un champ de coton

          Les artistes du groupe nous présentent aussi leurs instruments :

- Au centre Stéphane “Fingers” Barincourt : banjo, guitare. Le banjo est l'instrument de base du blues. Son origine est un instrument rudimentaire africain formé d'un corps creux, comme une calebasse, sur lequel était tendue une peau.

- à gauche Teddy Costa : chant, harmonicas et guitare. L'harmonica, introduit en Amérique par les émigrés d'Europe centrale, a été rapidement adopté car il est le plus petit, le plus pratique, le plus transportable et le moins onéreux des instruments de musique. Et aussi pour son pouvoir suggestif grâce à un son proche de la voix.

- à droite Jeremy Pagis : contrebasse. La contrebasse encombrante et chère s'est jointe aux orchestres de blues plus tardivement.

Les musiciens du groupe Talaho prennent le relais de la conférencière pour nous parler du blues.

 

    Le Blues est une forme musicale, vocale et instrumentale, née dans les champs de coton d'Amérique du nord où travaillaient les Africains amenés de force à partir du XVIIe siècle.

     Les esclaves étaient autorisés à chanter à condition que ce soit dans la langue et selon la religion des maîtres. Cela rendait le travail moins pénible, permettait de synchroniser les gestes, et ainsi, de stimuler le rendement. Les "worksongs" consistèrent d'abord en un système d'appels d'un soliste et de réponses ou de reprises en chœur du groupe de travailleurs.

 

     Le Blues proprement dit se forme après la libération des esclaves. Suite à la Guerre de Sécession, une grande majorité de noirs émigre vers les états du nord.  Comme ils ne vivent plus en communauté, la forme du chant et de la musique doit évoluer.

    Devenus des travailleurs pauvres, parfois errants, les noirs sont de plus confrontés à la concurrence des immigrés européens pauvres à la recherche de travail et souffrent de la ségrégation, mise en place vers 1880.

      La thématique des chansons se ressent de cette situation  : douleur de vivre des gens de couleurs, des classes ouvrières,  dans une société raciste.

      Mais l’humour et le double sens est toujours très présent dans le Blues.

 

Les musiciens accompagnent en musique la sortie du public
Les musiciens accompagnent en musique la sortie du public

Fin de la conférence, le pot de l'amitié se partage en musique
Fin de la conférence, le pot de l'amitié se partage en musique

     Le groupe TALAHO est un trio de blues acoustique originaire de Bordeaux.

 

Pendant le festival "Les Nuits du Blues", le groupe Talaho était en résidence à Abbeville. Ils ont fait plusieurs interventions dans des établissements scolaires, à la bibliothèque municipale et au musée, à Abbeville et aux alentours.

 

Le "Talaho'" était à l'origine le nom d'un produit "miracle" qui guérissait tout, de la migraine à l’impuissance… Fortement alcoolisé, il était vendu en 1944 sur les ondes de différentes radios locales des États-Unis par le blues-man Rice Miller pour contourner la prohibition…


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